Mis à jour le 22 mars 2018
Samedi 11 novembre, Arte a diffusé le documentaire «Demain, tous crétins?» (en ligne sur le site de la chaîne).
Ce documentaire met en scène un sujet important, les effets des perturbateurs endocriniens sur la thyroïde et le développement du cerveau. Mais, à trop vouloir mettre en scène, Thierry de Lestrade et Sylvie Gilman, nous prennent… pour des crétins.
Au lieu d’aborder le sujet sérieusement et de façon précise, le documentaire choisit un parti-pris alarmiste et fait des raccourcis scientifiques bien trop rapides. Mélangeant supposée baisse du QI, augmentation de la détection des syndromes autistiques et effets des perturbateurs sur la thyroïde et le développement du cerveau, le documentaire veut nous faire comprendre que le lobby de l’industrie chimique nous vend des produits qui peuvent être dangereux pour notre santé. Certes, il faut l’expliquer. Mais est-ce une raison pour prendre les téléspectateurs pour des demeurés?
Un titre crétin
Dès le titre, «Demain, tous crétins?» , le docu sous-entend qu’une grande majorité de la population risque d’être touchée par le crétinisme. Ce titre joue d’ailleurs sur le lien entre une maladie, le crétinisme, due à une insuffisance thyroïdienne entraînant notamment des retards mentaux et le terme «crétin» qui désigne, de façon méprisante, quelqu’un d’inintelligent. Alors, oui, on le verra plus tard, le documentaire a un lien avec la maladie mais l’utilisation du terme « crétin » est très malvenue.
Une introduction sensationnaliste
Venons-en à l’introduction. Et je ne sais pas si je viendrai à bout de cette critique tellement il y a de choses à dire sur les 6 premières minutes.
Dès, le départ, la voix off nous explique que le «futur de l’humanité» (je n’exagère pas) dépendra de la façon dont les femmes géreront leur grossesse en protégeant, contrairement au placenta, le cerveau de leur enfant. Attention, femmes enceintes, vous avez l’avenir de l’humanité dans votre ventre. On ne vous l’a pas suffisamment dit, il fallait que ça soit répété ici.
Puis, on passe, sans transition, à la question de ce que serait «l’histoire de l’humanité sans ses génies, ses mathématiciens, ses artistes, ses explorateurs ou ses philosophes» (Mozart, Marie Curie, Einstein, Al-Khwârizmî, Luther King, etc). Le documentaire, suggère de façon assez brutale, que si les femmes enceintes ne prennent pas en compte ce qu’on va leur dire pendant les 50 prochaines minutes, l’intelligence humaine ne sera plus. Tout simplement.
Cette séquence se finit sur cette sentence :
«Devant ces menaces, certains prédisent une évolution à l’envers».
Il y aurait tellement à dire sur cette phrase. Déjà «ces menaces» ne sont pas clairement définies avant la prononciation de cette phrase.
Ensuite, l’utilisation du terme «certains» est plus que flou, on ne sait pas qui prononce cette prédiction.
Enfin, l’expression «une évolution à l’envers». Son utilisation montre une maîtrise plus que douteuse du concept de l’évolution. En biologie, le concept d’évolution ne comprend pas, intrinsèquement un progrès. Il ne peut donc pas y avoir «d’évolution à l’envers».
La séquence d’après part carrément dans la comparaison avec la fiction, et pas des moindres, puisqu’elle reprend un extrait de la comédie de science-fiction satirique Idiocracy.
L’extrait est commenté par la voix off :
«Un monde où l’humanité aurait basculé dans la stupidité, comme le décrit avec cruauté le film Idiocracy. Ce futur peut-il être notre futur ?»
On sort clairement du registre burlesque et complètement fictionnel du film. Non, ici, le futur d’Idiocracy est pris au sérieux. On ne peut que s’accrocher à son fauteuil: on nous promet un cauchemar. Et ce n’était que les 90 premières secondes du documentaire.
La fameuse baisse du QI
Pour appuyer sa thèse d’un danger imminent pour l’humanité, il faut montrer que quelque chose d’alarmant est déjà en train de se passer à grande échelle. L’intelligence et sa mesure étant un fantasme tellement bien ancré en occident depuis le début du XXe siècle que l’éventuelle baisse du QI remplira facilement cette tâche.
Mais justement, un anthropologue, Edward Dutton, a publié plusieurs articles sur une potentielle baisse du QI général mais je doute fortement de ses conclusions.
Si vous voulez en savoir plus, j’ai publié en parallèle un billet analysant cette étude de façon plus précise.
Mais baser toute la peur du documentaire sur la baisse du QI générale me paraît bien alarmiste. Et pourtant Dutton, dans le documentaire l’affirme, en faisant tomber une pyramide de Kapla de façon dramatique:
«Nous devenons de plus en plus stupide. […] Ça ne va pas s’arrêter. Si nous ne faisons rien, la civilisation qui repose sur l’intelligence ira en sens inverse. Et tout laisse penser que c’est déjà en train d’arriver.»
Tremblons!
Mozart et Bach à la rescousse
Le documentaire essaye ensuite de faire le lien entre cette supposée baisse du QI et les études sur les effets des perturbateurs endocriniens sur la thyroïde et le développement du cerveau.
Les documentaristes n’en ont trouvé qu’un:
Barbara Demeneix, une des chercheuses sur les effets des perturbateurs endocriniens sur la thyroide. elle se demande si on reverra, un jour, un autre Bach, un autre Mozart.
J’avoue ne pas voir le lien entre une baisse du QI entre 1997 et 2009 et l’impossibilité de voir surgir de nouveaux «génies» de la musique. Et comme les tenants de l’effet Flynn négatif ne remettent pas en question un effet Flynn avant cette période, notre civilisation doit être plus «intelligente» que celles de Bach et Mozart, non?
Bref, le génie n’a pas grand chose à voir là dedans mais il faut l’évoquer. Peut-être pour suggérer que Demeneix en est un, de génie?
Puis, comme pour faire une opposition au génie, peut être définitivement perdu, des célèbres compositeurs de musique classique, la voix off évoque maintenant l’augmentation de la détection des troubles psychologiques tels que les déficits d’attention, l’hyper activité ou encore d’autisme. L’augmentation du diagnostic d’autisme chez les enfants de Californie serait de 600% entre 1990 et 2001 et 1/68 des enfants américains serait diagnostiqué comme tel. Questions de la voix off:
«qu’est ce qu’il se passe? Se pourrait-il qu’il y ait un lien avec la baisse du QI?»
Rien dans le documentaire ne pourra répondre à la deuxième question. Elle n’est donc pas posée pour introduire une réponse mais pour faire le lien que la recherche scientifique ne fait pas (pas encore en tout cas).
Déréglage de la thyroïde
Pour la première question, B. Demeneix pense immédiatement à la thyroïde en voyant ces données en évoquant, enfin le crétinisme, cette «maladie congénitale grave», mélant petite taille, retard mental et goître au niveau de la thyroïde.
Et c’est toute cette partie du documentaire qui est intéressante. On nous explique que le crétinisme est lié à un mauvais fonctionnement de la thyroïde dû à une carence d’iode. Ce lien a été établi, chez l’adulte mais aussi chez le bébé dont la mère a été carencée en iode pendant sa grossesse, par un médecin militaire américain en 1966, Peter Pharoah, qui a observé la maladie en Papouasie nouvelle Guynée.
Et Barbara Demeneix est beaucoup plus pertinente pour nous parler de ce sujet: elle est endocrinologue au Muséum d’Histoire Naturelle de Paris et travaille particulièrement sur la thyroïde. Enfin, on parle du vrai sujet du documentaire et sérieusement: «sans hormone thyroïdienne notre cerveau ne se développe pas correctement», nous explique-t-elle. L’iode que l’on absorbe en mangeant du sel (iodé) ou du poisson permet, un bon fonctionnement de la thyroïde et au cerveau du bébé de se développer de façon normale dans le ventre de la mère.
Le documentaire nous balade donc d’exemple en exemple sur les conséquences des carences en iode puis nous explique que des produits industriels contiennent (ou contenaient car certains, comme le PCB, ont déjà été interdits) des perturbateurs endocriniens (bromure, chlore ou fluor) que notre corps confond avec les hormones thyroïdiennes. En Californie, par exemple, les chercheurs interviewés dans le documentaire affirment qu’il y a un lien entre l’exposition massive de pesticides agricoles et certaines troubles psychiatriques. De même à New York, certains insecticides auraient des conséquences néfastes. Mais le documentaire lui même nous explique que les États-Unis ont interdit ces insecticides.
Alors, oui, notre société utilise sans doute des produits qu’elle ne maîtrise pas et il faut donc réfléchir à leur place et à leur utilisation. Mais est-ce pour autant sain de jouer exagérément avec nos peurs?
Conclusion effrayante
C’est en tout cas la ligne de ce documentaire jusque dans sa conclusion. La voix off utilise des expressions toutes faites qui ne veulent rien dire.
Par exemple, «nous baignons dans une véritable soupe chimique». Alors cette phrase est vraie, puisque même notre corps, nos aliments, nos tables sont composés de «molécules chimiques» (autre expression utilisée dans le documentaire); une molécule étant une structure de base de la matière. Mais notre corps n’est pas, à proprement parler un danger direct pour lui-même (sauf si on est suicidaire, peut être). Et d’autres assertions du même genre, jamais appuyées sur des connaissances scientifiques sont alignées pendant les quinze dernières minutes.
Mais l’une d’elle fait encore plus le lien avec l’introduction. Barbara Demeneix soutient que l’industrie peut évoluer et inventer des molécules non toxiques, «sinon, nous allons probablement assister à la disparition de la structure la plus sophistiquée que l’évolution a jamais créé, le cerveau humain.»
Des biologistes, évolutionnistes, philosophes des sciences auraient beaucoup de choses à dire sur cette simple phrase. Je ne sais pas comment Barbara Demeneix décide que le cerveau humain est la structure la plus sophistiquée que l’évolution a jamais créé. Mais elle l’assène de façon tellement forte qu’elle est convaincante. Ou pas.
Alors, certes Barbara Demeneix et ses collègues portent, avec les perturbateurs endocriniens pouvant entraîner un mauvais développement du cerveau, un sujet important mais est-ce une raison pour les accompagner dans cette croisade de l’angoisse d’une civilisation crétine? J’en doute très fortement. Et ça me rappelle étrangement un autre documentaire difficile à digérer, lui aussi diffusé à l’époque sur Arte, Notre poison quotidien, que j’avais chroniqué pour OWNI.
One more thing comme dirait l’autre
Edit 21:00:
À vouloir finir un peu trop rapidement, j’ai oublié une chose un peu importante dans tout ça. Il faut poser la question aux auteurs du documentaire et à Barbara Demeneix:
«comment font-ils le lien entre une baisse potentielle du QI général en Finlande, pays très peu agricole (et encore moins spécialisé dans l’agriculture intensive) et très peu urbain et les troubles psychologiques des enfants de Floride, qui sont, eux très exposés aux pesticides ou de NewYork qui vivent dans un milieu très urbain?»
Si l’exemple de la baisse du QI est la Finlande, celle-ci ne peut s’expliquer par l’agriculture intensive et les insecticides urbains. Alors, au lieu de sauter sur l’occasion d’une étude mal ficelée sur le QI, les auteurs auraient dû mieux exposer les risques des perturbateurs endocriniens.
Épilogue de ce billet:
Les tests qui mesurent le QI sont statistiques. Ils sont réalisés à partir d’un échantillon de la population, et réévalués régulièrement. Par exemple, le WISC V pour les enfants vient de sortir.
La répartition du QI sera toujours une gaussienne, avec comme moyenne 100. Il ne « peut » pas baisser.
Dans le documentaire, on parle de tests à l’armée. Le calcul mental dont on se servait « dans la vie de tous les jours » il y a une trentaine d’année (par exemple pour vérifier que la boulangère rendait la bonne somme) n’est plus indispensable. Si les tests de l’armée sont basés sur cela, une baisse des notes ne signifie pas une baisse du QI.
Merci pour ce commentaire. En effet, vous avez tout à fait raison. C’est d’ailleurs ce que j’explique ici. J’ai voulu séparer les deux billets pour plus de lisibilité.
Je suis assez d’accord avec l’ensemble de votre article, j’aimerais juste ajouter qu’associer l’autisme (et les troubles mentaux en général) à la baisse du QI dans un documentaire qui parle de « crétinisation » de l’humanité est, au « mieux », un signe d’ignorance, au pire un manque de respect envers ces personnes qui sont loin d’être toutes atteintes de retard mental.
Merci pour ce commentaire. Je suis d’accord avec vous.
A propos d’autisme en Californie, certains parlent de « Geek syndrome », en alliant facteurs environnementaux et génétiques au sein des familles.
Une hypothèse serait que les premiers « geeks » à fonder des entreprises dans la Silicon Valley avaient peut-être des troubles autistiques. Travailler derrière un écran d’ordinateur avec peu de contact humain est l’environnement rêvé pour les personnes atteintes du syndrome d’asperger. A partir du moment où ces personnes sans doute solitaires, sont devenues très riches, elles ont fondé des familles. Les enfants ont pu hériter de troubles autistiques d’une part, mais surtout grandir avec des parents passant leur vie derrière un écran… (cf « Asperger et fière de l’être » d’Alexandra Raynaud)
Si on n’en est qu’au stade des hypothèses, comme je le dis dans ce billet, il faut faire très attention. D’autre part, je me méfie des gens qui posent des diagnostics sur des personnes qu’ils n’ont jamais rencontrées en consultation.
Bravo pour cet article qui démonte bien les précédés médiatiques employés par Arte et B. Demeneix.
Quelques références supplémentaires sur le lourd passif de B. Demeneix en matière de manipulation des données sur le QI :
http://www.forumphyto.fr/2015/09/25/pesticides-qi-euros-les-calculs-acrobatiques-du-cnrs/ (B. Demeneix est un des auteurs de l’étude citée dans cet article)
Sur ses conflits d’intérêt : http://www.forumphyto.fr/2016/12/12/perturbateurs-endocriniens-un-marchand-de-doutes-pris-sur-le-fait/
Sur les liens allégués entre autisme et insecticides organo-phophorés :
http://www.forumphyto.fr/2016/02/12/insecticides-et-autisme-le-tri-tres-selectif-de-clash-investigation/
Le lien cretinisme/ carence en iode a ete plutot etabli en suisse
http://mobile.hls-dhs-dss.ch/m.php?article=F22716.php
Oui. Et je ne remets pas du tout en cause ce lien dans mon billet.
Petite remarque : ce n’est pas parce que les PCBs ont été interdits qu’ils n’existent plus. Ils sont toujours présents dans l’environnement en 2017 et sont toujours aussi nocifs.
S.J Gould avait très bien décrit les écueils et les biais derrière l’institutionnalisation des tests de QI dans : « La mal mesure de l’Homme ». Sans grand mystère les erreurs d’hier sont ……………………. celles d’aujourd’hui.
Cet ouvrage est un must have.
En bonus vous aurez le droit à un essai historique qui dénonce les erreurs dans les mesures craniométriques pour valider / institutionnaliser le racisme à l’époque coloniale (Mais Gould a lui même râté une de ses contre analyses, assez caustique, sans que ça ne retire rien à sa défense).
En bonus vous aurez aussi le droit à un essai contre « The curved bell » … sans erreur.
.
Gould est une très bonne référence, effectivement. Je mets « the curved bell » dans ma liste des livres à lire ;)
Mais si il y a encore des génies de la musique ! Regardez Glenn Gould.
Ah oui mais non il était autiste…
https://fr.wikipedia.org/wiki/Glenn_Gould#Th.C3.A9orie_sur_son_comportement_atypique
;-D
;)
Après, je me méfie des gens qui font des diagnostics sur des personnes qu’ils n’ont même pas rencontrés ;)
Gros accueil dans le « formidable contre argument » Finlandais, qui méconnait tout simplement la situation de nos amis nordiques spécialistes des pesticides en forêt et de la tomate sous serre (et dont les eaux baltiques sont saturées de pesticides) :
http://www.ymparisto.fi/en-US/Maps_and_statistics/The_state_of_the_environment_indicators/Chemicals_and_hazardous_substances/Sales_of_pesticides_slowly_decreasing(28505)
Vous avez une comparaison avec la Californie ?
Manon Td
Manon Td Je transmet ici la réponse d’un ami ( qui n’a pas fb ) à cet article. Il a trouvé le reportage intéressant:
« Quelle est l’obssession de ce Martin Clavey, journaliste pigiste s’occupant de sujets scientifiques, qui semble être votre référence en matière de critique et de rigueur scientifique? Trouver la faille par où il pourra s’engouffrer et justifier ainsi son statut et son revenu. Et bien sûr il en trouve dans ce documentaire, car de toutes façons il fallait qu’il en trouve. Et où trouve-t-il par exemple certains de ses arguments ? Chez un ingénieur agronome, Philippe Stoop, qui reconnait lui-même travailler pour l’agrochimie.
Je suis tout disposé à croire que le documentaire en question n’est pas exempt de reproches et que la rigueur scientifique n’est pas toujours au rendez-vous mais est-ce le sujet ? Un documentaire passant sur une chaîne de télévision, fût-elle Arte, s’adresse à un large public, il ne peut pas entrer dans tous les détails de l’argumentation, il doit nécessairement simplifier et faire apparaître la figure centrale de son sujet. Or celle-ci me semble apparaître assez nettement, suffisemment en tous cas pour atteindre son but : inciter l’opinion publique à appuyer les scientifiques et les politiques pour lutter contre les lobbyes de l’industrie chimique et les ravages qu’elle génère. Peut-on douter de ces ravages ? ça me paraît de plus en plus difficile, et il m’a suffi de discuter avec mes voisins paysans, durant de longues années à la campagne, pour m’en convaincre. De même qu’il me suffit de discuter avec des professeurs et des instituteurs comme je l’ai fait bien souvent et le fais encore, pour qu’ils me confirment à quel point les capacités d’attention baissent, ainsi que les capacités d’abstraction. Un philosophe que j’estime beaucoup, professeur aux Etas Unis et à l’université de Strasbourg, dont l’oeuvre est traduite partout, Jean-Luc Nancy, déclarait récemment que pour la première fois en trente cinq ans de carrière, les étudiants se plaignaient que ses cours soient trop difficiles !
Alors certes, je sais depuis longtemps quoi penser de ce que valent les tests de QI, je me doute bien qu’il y a dans ces données des éléments criticables, peu rigoureux, mais dans l’ensemble, je dis bien dans l’ensemble, ce documentaire me paraît faire oeuvre très utile, même s’il force un peu le trait ou ne le dessine pas toujours avec la rectitude intellectuelle qu’on souhaiterait.
Il semble aujourd’hui que cette rectitude ne se trouve plus qu’ici et là, dans l’océan du net, à travers articles et contre articles et qu’on choisisse pour la trouver – on se demande bien de quelle manière et au nom de quel critère- celui-ci plutôt que celui-la. Oui, au nom de quel critère puisque tous peuvent y aller de leur chanson, selon leur humeur et leur désir d’exister à tous prix et qu’il n’est pas difficile de ferrailler ainsi dans ce théâtre d’ombres. D’autant que, depuis les Grecs, on sait trop bien qu’un argument rencontrera toujours son contre argument, le régime de la vérité s’accomodant fort bien de ces joutes puisqu’il est dans sa nature d’échapper à une prise unique. Autrement dit prétendre à la vérité scientifique ou à son objectivité pure est une chimère que la forêt du Web fait apparaître à l’un ou à l’autre selon quasiment son bon plaisir.
Quant à moi, lorsque je tiens fermement à l’obtenir, cette rectitude, je vais lire des ouvrages de fond, écrit par des scientifiques dont l’oeuvre témoigne pour eux, sachant que même de cette manière je n’en obtiendrai qu’un infime fragment. Pour le reste, je me contente volontiers de productions que me semblent utiles et vertueuses. C’était le cas avec ce documentaire. «
« De même qu’il me suffit de discuter avec des professeurs et des instituteurs comme je l’ai fait bien souvent et le fais encore, pour qu’ils me confirment à quel point les capacités d’attention baissent, ainsi que les capacités d’abstraction. » Waouh!!!
Quand je lis ce commentaire, je comprends que ce documentaire est un acte militant, destiné à prévenir des danger des produits chimiques dans l’environnement, et qu’à ce titre, il n’a pas à répondre aux critères habituels de la rigueur scientifique et peut utiliser des procédés de désinformation. C’est un point de vue, mais est-ce que ça ne risque pas de nous rendre un peu crétins… (au passage, pourquoi ne pas prendre en compte dans la baisse du QI les effets de la pauvreté, du tabac ou de l’alcool sur le développement).
Oui, le lien entre les génies de la musique et le QI m’a fait grimacer moi aussi, en effet…
En revanche, ce n’est pas très honnête de dire que seule « une » chercheuse a été trouvée pour en parler, Demeneix. Il y aussi Thomas Zoeller, Brenda Eskenazi, Arlene Bloom…
Et d’ailleurs Arlene Bloom montre que meme si certains produits ont été interdit, ils sont toujours présents dans notre entourage (l’interdiction ne s’est pas accompagnée de destruction de tout ce qui avait été vendu avant bien sur). Les poussières sont passés dans la chaine alimentaire, quelle que soit la loi qui arrive trop tard. Et d’autres produits, comme les retardateurs de flamme, sont toujours utilisés, meme s’ils avaient été interdit dans les pyjama.
Enfin, il est bien expliqué que pour New York, ce ne sont pas les pesticides agricoles qui sont en cause, mais certains spray et autres produits qui contiennent des formes similaires aux hormones de la thyroïde (retardateurs de flammes…). Pollution de l’ai intérieur est aussi une réalité dans les zones urbaines.
En bref, meme s’il y a du sensationnalisme, dans le fond il y a beaucoup de messages essentiels, encore trop méconnus du grand public !
Quand je dis qu’ils ne trouvent qu’elle pour faire le lien, si c’est de ce passage là dont vous parlez, c’est dans la démarche narrative :
– passage sur la baisse du QI
– passage sur les génies
– passage de Demeneix jouant du violon et faisant le lien.
Alors, oui, j’ai rapidement dit qu’il y avait d’autres chercheurs interviewés: « En Californie, par exemple, les chercheurs interviewés dans le documentaire ». Mais globalement, le fil conducteur du documentaire, c’est bien Domeneix, je pense.
Cet article inquisiteur ne donne pas une bonne image de ce qu’est censé être un esprit scientifique : bien loin de s’arrêter à de vains détails comme les effets rhétoriques de ce documentaire grand public, le scientifique est curieux et donc avant tout attentif à ce qui constitue des faits significatifs qu’il s’attachera à mettre en valeur plutôt que de les ensevelir sous une avalanche de critiques assez spécieuses.
L’augmentation des troubles de l’autisme depuis deux ou trois décennies est un fait reconnu par les scientifiques, d’un point de vue de santé publique son ampleur est dramatique et nous avons au moins une certitude : seuls des facteurs environnementaux peuvent être en cause. Dès lors, plutôt que de développer une sophistique gratuite pour dénigrer l’expression « soupe chimique », un esprit éclairé saluerait les investigations menées ici et là pour mettre en évidence l’impact des innombrables polluants que les lobbies de la chimie et de la pharmacochimie nous imposent en toute connaissance de cause depuis des lustres.
Bref, comme le suggère l’excellent commmentaire de Manon Taillard ci-dessus, on pourrait se demander si Martin Clavey n’avait pas surtout besoin d’écrire un papier ? Mais, dans ce cas, pourquoi cette posture de chevalier blanc faussement défenseur de la raison et manifestement défenseur des lobbies ?
Je ne suis pas quelqu’un aillant beaucoup de connaissances concernant les sciences, je me permet néanmoins de souligner quelque chose:
Vous vous rendez compte que vous parlez de l’augmentation des troubles de l’autisme depuis deux ou trois décennies ! L’autisme est une « maladie » ( je ne crois pas que ce soit le bon terme, et je m’en excuse) qui n’a été réellement étudiée que depuis très peu, certains Aspects de l’autisme sont même encore très mal connus même dans les milieux scientifique et de la psychologie. Je pense même que c’est un sujet sur lequel il nous reste encore beaucoup à étudier. Alors si c’est un sujet qui n’est pas encore totalement connu dans les milieux scientifiques ( D’ailleurs on ne connait pas vraiment les causes de l’autisme par exemple, et il ne semble pas qu’une étude sérieuse liant autisme et perturbateur endocrinien existe) imaginez en dehors de la communauté scientifique. Vous croyez qu’il y a deux cents ou trois cents ans les gens parlaient d’autismes ? Vous croyez que lorsqu’ils avaient des enfants autistes ils pouvaient dire « ah oui en effet c’est de l’autisme! » Bien sûr que non, ils disaient juste « C’est un enfant bizarre » ou « C’est un enfant malade » et ça n’allait souvent pas beaucoup plus loin que cela, à part peut-être dans les famille riches, et encore. Comment voulez vous que dans ces conditions là des statistique eussent elles put être recueillies ? C’est bien normal que le nombre de personnes autistes aient été multiplié par six, parce que maintenant on peut diagnostiquer l’autisme, et laissez moi vous dire que je pense qu’encore beaucoup de personnes autistes et notamment atteintes du syndrome d’Asperger ne jamais diagnostiqués ( Encore faudrait-il qu’il y est consensus quand à la définition de l’autisme dans la communauté scientifique ) En clair je ne crois pas que l’on puisse se baser sur des statistiques concernant l’autisme sur « deux ou trois décennies » en fait je pense qu’il y avait autant de personnes autistes avant, seulement (et surtout hors de la communauté scientifique ) personne ne savait vraiment ce que c’était. La plupart des cas étudiés alors étaient probablement les cas les plus sévères, et une majeur partie des cas en général n’étaient sûrement pas vraiment reportés. Je ne crois donc pas qu’il faille s’alarmer particulièrement de l »augmentation » de l’autisme.
@ Johann
Je ne comprends pas très bien.
Vous dites ne pas avoir de connaissances scientifiques mais vous penser pouvoir nier la réalité de l’augmentation de la prévalence de l’autisme ?
Qu’est-ce qui vous étonne dans le fait qu’elle puisse avoir augmenté depuis deux ou trois décennies ?
Si vous voulez vous assurer de la réalité de la chose, cad, de son caractère scientifique et non pas seulement journalistique, je vous propose d’aller sur Google scholar avec les mots clés suivants : « autisme prévalence augmentation ». Vous trouverez maints articles scientifiques qui vous assureront que cette augmentation n’est pas un épiphénomène et qu’elle est prise au sérieux par les scientifiques.
Dans le documentaire d’Arte votre hypothèse d’une augmentation liée à l’amélioration des capacités de diagnostic a été évoquée. On pense qu’elle explique un tiers de l’augmentation. Ce qui est déjà pas mal. Mais les deux tiers restent inexpliqués.
Comme il s’agit d’une augmentation rapide, elle ne peut avoir une origine génétique ; elle est donc nécessairement environnementale. Et là, vu la « soupe chimique » dans laquelle baignent nos cellules (vu comme notre « milieu intérieur » est contaminé), les directions à explorer ne manquent pas.
Quoi qu’il en soit, si on prolonge la courbe de prévalence et qu’on lui conserve la pente actuelle, il n’est pas exclu qu’à plus ou moins brève échéance, tous les enfants soient concernés par ces troubles.
Le titre du documentaire n’est donc pas une pure provocation. Il pointe une hypothèse qui n’a rien d’assuré, mais qu’on ne peut, non plus, complètement exclure.
Bonjour,
Mon blog n’est pas un forum. Si vous avez des observations sur l’article, ne vous gênez pas. Si la discussion dérive, je me laisse la possibilité de ne pas publier les commentaires. Vous pouvez continuer la discussion sur Agoravox par exemple ;)
Je me souviens d’avoir lu un livre de Bruno Bettelheim (la forteresse interdite) il y a une quarantaine d’annees dans lequel il expliquait, savamment et de manière très convaincante, que la cause de l’autisme chez les enfants était directement liée à la mère. On en est revenu et on a cessé de culpabiliser les mères.
Bonjour,
Pour répondre au commentaire « D’ailleurs on ne connait pas vraiment les causes de l’autisme par exemple, et il ne semble pas qu’une étude sérieuse liant autisme et perturbateur endocrinien existe » : ici, une revue sur les liens autisme et exposition périnatale aux perturbateurs endocriniens http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/j.1651-2227.2012.02693.x/full
Par ailleurs, on peut tout à fait critiquer la forme sensationnaliste du documentaire et les allégations wtf concernant les génies et de l’évolution. Mais dans le fond, le documentaire évoque des facteurs environnementaux établis comme défavorables pour le développement cérébral des enfants,: la carence en iode (dont l’effet, notamment pendant la grossesse, sur le retard mental est avéré de longue date, mais peu suivie dans les pays développés), et l’exposition aux perturbateurs endocriniens (pour l’autisme). La où il ne s’agit plus que d’une hypothèse c’est le lien entre polluants de synthèse et intelligence, suggérant que Br, F … pourrait saturer la thyroïde (potentiellement carencée en iode?) et ainsi perturber la production hormonale et donc le développement du cerveau. Le documentaire ne fait que poser cette hypothèse et sonne plutôt comme un plaidoyer pour plus de recherches à ce sujet.
Ca fait du bien de lire cela je me sens moins seul. Un peu de recul et de réflexion ça ne fait pas de mal.
[…] Documentaire alarmant mélangeant « supposée baisse du QI, augmentation de la détection des syndromes autistiques et effets des perturbateurs sur la thyroïde et le développement du cerveau », cf la critique disponible ici : https://www.soundofscience.fr/644 […]
Merci pour cet article et ces commentaires enrichissants.