Mis à jour le 2 novembre 2020
Dans l’ambiance actuelle où le Ministre de l’Éducation Nationale, Jean-Michel Blanquer, accuse certains universitaires d’islamogauchisme et alors que la loi Recherche a commencé à être débattue en séance publique au sénat ce mercredi, les sénateurs et sénatrices ont adoptés deux amendements touchant la liberté d’expression au sein de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Un respect flou des « valeurs de la République » de restriction de la liberté académique
L’amendement de Laure Darcos, sénatrice LR, modifie la liberté d’expression des enseignant·e·s-chercheur·euse·s, des chercheur·euse·s et des enseignant·e·s. Jusqu’ici le code de l’éducation protégeait cette liberté de façon « entière » :
Les enseignants-chercheurs, les enseignants et les chercheurs jouissent d’une pleine indépendance et d’une entière liberté d’expression dans l’exercice de leurs fonctions d’enseignement et de leurs activités de recherche, sous les réserves que leur imposent, conformément aux traditions universitaires et aux dispositions du présent code, les principes de tolérance et d’objectivité.
Cet amendement, auquel le Gouvernement a apporté son soutien, rajoute à cela une contrainte floue, celles des « valeurs de la République » :
« Les libertés académiques s’exercent dans le respect des valeurs de la République. »
Or, ces « valeurs » ne sont pas définies. Il est donc difficile de savoir dans quel cadre sont contraintes, avec cet amendement, les libertés académiques. Ce flou risque de permettre des décisions arbitraires sur ce que pourront ou ne pourront pas exprimer les enseignant·e·s-chercheur·euse·s, des chercheur·euse·s et les enseignant·e·s français·e·s dans le cadre de leur fonction.
Et même si ces valeurs étaient définies, cela poserait problème pour la liberté de la recherche en France.
Comme le signale le chercheur en science politique au CNRS Samuel Hayat sur Twitter, si la propriété est une des « valeurs de la République », des recherches qui mettent en question ce principe seront-elles interdites ?
Dans les "valeurs de la République", on trouve la propriété. Va-t-on interdire les recherches qui mettent en question ce principe ? Et qu'en est-il des universitaires critiques qui mettent en question la République elle-même, en montrant la face sombre de son histoire ?
— Samuel Hayat (@SamuelHayat) October 29, 2020
Ce n’est pas la première fois que des parlementaires votent une limitation des liberté académique. En 1984, le Conseil constitutionnel avait déclaré non conformes plusieurs dispositions de la loi sur l’enseignement supérieur qui devaient restreindre cette liberté. En sera-t-il de même pour cette nouvelle restriction des recherches en France ?
Une pénalisation de l’opposition à un débat dans les universités
Un autre amendement sur la liberté d’expression à l’université a été adopté la nuit dernière au sénat. Il vise les personnes qui manifestent une opposition à la tenue d’un débat organisé dans les locaux universitaires.
Ce texte prévoit une peine lourde d’un an d’emprisonnement et 7500€ d’amende pour toute personne pénétrant ou se maintenant dans l’enceinte d’un établissement d’enseignement supérieur sans y être habilité « dans le but d’entraver la tenue d’un débat organisé dans les locaux de celui-ci ».
Outre la lourdeur de la peine, le texte ne vise pas l’entrave au débat mais la présence « dans le but d’entraver ». Cet amendement se place donc dans la continuité de la justice préventive qui est actuellement à la mode chez les législateur·trice·s. Il est difficile de savoir définir quel est le but alors même que l’action n’a pas eu de conséquence. Il est difficile de décider qu’une personne est entrée sur le campus d’un établissement « dans le but d’entraver » la tenue d’un débat si cette personne n’a pas (ou pas encore) entravé le débat.
Protester pacifiquement sur les pelouses d’un campus, est-ce « dans le but d’entraver la tenue d’un débat » ? Faire pression, en tant que personne politique sur la direction d’un établissement, est-ce « dans le but d’entraver la tenue d’un débat » ? Les chercheur·euse·s et étudiant·e·s qui pensent illégitime la parole d’une personne qui ne fait pas partie du monde académique pourront-elles et ils exprimer leur désaccords au sein des campus ?
Photo d’illustration : Soleil1409, Licence Creative Commons by-sa
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Les valeurs de la République ?
Liberté, égalité, fraternité ?