Mis à jour le 10 juillet 2018
Quatre exemples qui montrent que la décision de réduire l’utilisation d’un vaccin ne se prend pas à la légère.
En Europe, une partie de la population commence à remettre en cause l’utilisation de certains vaccins et évite de faire vacciner ses enfants. Le problème, c’est que le vaccin ne protège pas uniquement l’individu, mais aussi le groupe. Plus la population est vaccinée, moins la bactérie ou le virus responsable de la maladie pourra se diffuser au sein de cette même population. La vaccination crée une sorte de barrière collective qui permet de protéger les personnes fragiles non immunisées, qui ne peuvent être vaccinées en raison de leur vulnérabilité (les malades qui attendent une greffe, les personnes âgées, les nouveaux nés, etc). On appelle ça l’immunité de groupe.
Le gif ci-dessus simule bien la protection par le reste de la population des quelques individus non vaccinés.
Mais cette immunité de groupe n’est efficace qu’à partir d’un seuil de vaccination très élevé, qui varie en fonction de la contagiosité de la maladie. Par exemple, pour la rougeole, l’immunité de groupe ne fonctionne pleinement que si 95 % de la population est vaccinée, au minimum. Chez les 5% restant, le risque induit par la non-vaccination est alors minime.
Parfois, une population remet en cause la pertinence de la technique vaccination de masse, qui permet pourtant de réduire drastiquement le nombre de malades à terme. Certains pensent que le vaccin est devenu inutile ou que le niveau d’hygiène de leur pays permet d’éviter la propagation des maladies contagieuses. D’autres estiment que la vaccination est un vaste complot, l’évitent par convictions religieuses ou encore parce qu’ils jugent les effets secondaires d’un vaccin trop importants par rapport au bénéfice qu’ils peuvent en retirer. Au Japon, c’est cette mauvaise interprétation du rapport bénéfice/risque qui a entraîné très rapidement une centaine de morts en quelques mois.
Au Japon, 4 mois d’interruption du vaccin contre la coqueluche, plus d’une centaine de morts
Nous sommes au Japon, dans les années 70. Depuis 1947 et la fin de la Seconde guerre mondiale, un programme de vaccination a été mis en place pour lutter contre la coqueluche, dans un pays ravagé par la guerre. Le nombre de personnes infectées par le virus est passé de 150 000 à moins de 400 cas par an en 25 ans, et le nombre de morts de 17 001 à moins de 5 morts par an. À l’époque, la menace de la maladie a donc disparu de l’horizon des Japonais, car elle est devenue peu ou prou invisible. Mais pendant l’hiver 74-75, deux enfants sont victimes d’accidents de vaccination. L’un meurt d’un choc allergique, l’autre contracte une encéphalopathie. Le gouvernement, sous la pression de l’opinion publique, stoppe pour quelques mois l’obligation vaccinale ; à court terme, on ne voit pas les conséquences de ce court arrêt de vaccination et la population est confortée dans ses craintes. En 1979, plus de 13 000 japonais sont touchés par la coqueluche dans l’année et 41 d’entre eux en meurent. Le retour de la vaccination de près de 80 % des enfants fait redescendre rapidement les cas de coqueluche et mécaniquement, le nombre total de morts. Hélas, plus de 100 japonais sont morts de la coqueluche pendant cette période.
La coqueluche et la société prospère suédoise
Dans la Suède des années 70, ce sont les idées hygiénistes qui ont mené la vie dure au vaccin de la coqueluche pendant une bonne vingtaine d’années.
Le pays a commencé à utiliser le vaccin contre la coqueluche dans les années 50. Comme au Japon, le nombre de malades a immédiatement chuté. Mais en 1967, un médecin reconnu, Justus Ström, émet des doutes sur l’utilité du vaccin dans une société prospère. Quelques cas de coqueluche sur des enfants vaccinés finissent de convaincre les pédiatres suédois de l’inutilité du vaccin. La couverture vaccinale baisse très vite de 90% en 1974, à 12% en 1979. La communauté médicale suédoise abandonne même complètement le vaccin en 1979, espérant en trouver un plus performant dans de brefs délais. Conséquences ? Les années 80 suédoises voient 10 000 nouveaux cas de coqueluche se développer par an. Ce n’est qu’en 1996 qu’un nouveau vaccin est introduit dans ce pays, ramenant rapidement la maladie à quelques centaines de cas par an.
Dans les années 80 et 90, la diphtérie revient en force en ex-URSS
En URSS, après la guerre, les segments les plus pauvres de la population estiment qu’il n’est plus nécessaire de vacciner les enfants contre la diphtérie. Résultat, deux vagues d’épidémie de cette maladie se sont abattues dans les pays de l’ex-URSSdans le début des années 80 puis au début des années 90, touchant, la plupart du temps, des adultes de moins de 60 ans.
Pourtant, dès 1940, L’union soviétique recommande de vacciner les enfants, mais l’obligation n’intervient qu’en 1959. Dans les années 50, le vaccin fait son effet et stoppe la propagation de la maladie. Rassurée, une partie de la population estime que le vaccin est désormais optionnel, voire inutile.
La résurgence d’une nouvelle souche du virus à la fin des années 70 entraîne, chez ces enfants devenus jeunes adultes, une épidémie très importante (plus de 1300 malades de diphtérie pendant l’année 1984), contenue par une opération de vaccination qui ne dépasse pourtant pas les 10 % de la population visée.
L’opération ne suffit pourtant pas à endiguer une nouvelle épidémie dans les années 90 (115 000 cas entre 1990 et 1997). Celle-ci est facilitée par l’immigration d’une partie de la population des pays de l’ancien bloc soviétique. En 1993, l’obligation vaccinale pour les adultes contre la diphtérie permet de faire redescendre de façon significative le nombre de malades.
La rougeole presque éradiquée refait surface en France
En France, nous avons dû, nous aussi, faire face à une épidémie très récemment, nous rappelle John Oliver, présentateur du late show américain Last week Tonight. En 2007, la rougeole est presque éradiquée sur le territoire français : seuls 40 cas sont dénombrés cette année là. Cette éradication quasi-complète de la maladie a fait oublier les conséquences graves qu’elle peut entraîner et un certain nombre de parents ont décidé de ne plus vacciner leurs enfants. Le taux de vaccination de la population tombe à 89 %. Le chiffre parait confortable au premier abord, mais les chercheurs considèrent que, pour cette maladie très contagieuse, une population est protégée lorsqu’elle est vaccinée à 95 %.
Au printemps 2008, la rougeole refait surface dans des écoles privées où les parents d’élèves sont très réticents à la vaccination. Le virus peut se propager très facilement de groupes non vaccinés en groupes non vaccinés. Résultat, 22 686 cas de rougeole en France entre 2008 et 2011. Mais une campagne d’incitation forte à la vaccination et de surveillance de la maladie a entraîné la vaccination de plus de 97 % des adolescents et permis d’endiguer la dissémination de la rougeole en France.
Soyez le premier a laisser un commentaire