Mis à jour le 30 juin 2018
Pige pour le n°2 de l’hebdomadaire Vraiment
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Il en existe quatre-vingts dans le monde, dont deux en France. Les synchrotrons de Saclay et Grenoble sont aussi mystérieux de l’extérieur que lumineux de l’intérieur. Grâce à ces accélérateurs de particules, la matière livre enfin ses secrets.
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Installé sur le plateau de Saclay, à une trentaine de kilomètres au sud de Paris, le synchrotron Soleil (pour Source optimisée de lumière d’énergie intermédiaire du LURE 1Laboratoire pour l’utilisation du rayonnement électromagnétique ) a des allures de soucoupe volante posée au milieu des champs. Avec son anneau de 354 mètres de circonférence, cet accélérateur de particules inauguré en 2006 compte parmi les 80 équipements du genre existant dans le monde. S’il affiche des dimensions beaucoup plus modestes que son grand frère grenoblois, l’ESRF (European Synchrotron Radiation Facility), dont l’anneau mesure 844 mètres, il accueille tout de même chaque année quelque 4 100 chercheurs, dont 3 100 Français. Quel que soit leur domaine d’étude (physique, chimie, biologie, etc.), leur objectif est d’explorer la matière.
Connaître la structure d’une protéine, d’un virus
Pour percer les mystères de cet infiniment petit, les chercheurs ont besoin d’un faisceau lumineux extrêmement fin et puissant. Le principe d’un synchrotron comme l’ESRF ou Soleil est de produire des rayons X en amenant des électrons à une vitesse proche de la lumière. Projetés par un accélérateur linéaire, ceux-ci sont introduits dans un premier anneau appelé « booster » puis dans un anneau de stockage où ils effectuent plusieurs centaines de milliers de tours, accélérés par des aimants disposés tout au long du tube. Chaque accélération produit un faisceau de lumière, appelé rayonnement synchrotron dirigé par des tubes métalliques rectilignes. 2Dans le pdf original une erreur s’est glissée sur le fonctionnement du synchrotron. On y lisait : Projetés par un accélérateur linéaire, ceux-ci sont introduits dans un premier anneau appelé « booster » où ils effectuent plusieurs centaines de milliers de tours, accélérés par des aimants disposés tout au long du tube. Chaque accélération produit un faisceau de lumière, appelé rayonnement synchrotron, qui est ensuite dirigé vers l’anneau destockage puis vers des tubes métalliques rectilignes. Au bout de chacune de ces « lignes de lumière », un laboratoire récupère ce faisceau lumineux de l’épaisseur d’un cheveu et 10 000 fois plus brillant que le soleil grâce auquel la matière peut être scrutée dans ses moindres détails.
« Le domaine d’utilisation de ces rayons X est très vaste, explique Yannick Lacaze, chargé de médiation scientifique à l’ESRF. La majeure partie des expériences porte sur la structure de la matière, à l’échelle atomique ou pas, mais toujours à petite échelle. Les applications, elles, sont d’une grande diversité. En biologie structurale, par exemple, l’idée est de connaître la structure d’une protéine ou d’un virus. Nous faisons aussi de plus en plus d’expériences dans le domaine de la paléontologie, en étudiant des fossiles. » En décembre 2017, l’équipe du paléontologue de l’ESRF Paul Tafforeau a ainsi identifié le fossile d’un dinosaure amphibie, proche du vélociraptor, le halszkaraptor.
En collaborant avec les équipes de Soleil et de l’ESRF, des électrochimistes de l’université de Londres ont également trouvé une explication au phénomène d’explosion observé sur certaines batteries de téléphone portable. « Les batteries sont étudiées aux rayons X depuis longtemps, poursuit Yannick Lacaze. Mais ici nous sommes plus précis parce que nous avons des rayons X à peu près 100 milliards de fois plus intenses que ceux produits dans les hôpitaux par des tubes à rayons X classiques. En utilisant le synchrotron, il est possible d’observer en temps réel ce qui se passe quand une batterie entre en emballement thermique. » En 2015, les chercheurs britanniques ont ainsi mis en évidence le fait qu’en cas d’élévation anormale de la température à 100 °C, des poches de gaz se forment dans les batteries. La fusion de ces poches entraîne alors une chute soudaine de pression, responsable des court-circuits à l’origine de l’explosion.
Une trentaine de labos à disposition
À Saclay, cette gigantesque machine à électrons fonctionne sept jours sur sept, vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Vue de l’intérieur, du haut de la passerelle surplombant le faisceau emmuré par du béton pour des questions de sécurité, l’installation se laisse admirer dans toute sa complexité 2 : un enchevêtrement de câbles et de tuyaux de gaz sur le parcours de l’anneau et, en épi tout autour de celui-ci, une trentaine de laboratoires (sur les 43 lignes de lumière dont dispose le site de Saclay, 29 sont ouvertes à ce jour). Pour assurer le bon fonctionnement du site, près de 520 personnes s’activent au quotidien, circulant parfois à vélo. Le chercheur Julien Rault fait partie de ceux-là. Scientifique de ligne, il est chargé d’aider les utilisateurs.
« Travailler ici, explique-t-il, est très particulier. Comme le synchrotron reçoit plus de demandes qu’il ne dispose de temps de faisceau, les expériences sont sélectionnées par dossier tous les six mois et les utilisateurs doivent respecter un planning très strict. Nous devons faire en sorte que le synchrotron fonctionne quasiment tout le temps. Certains utilisateurs viennent du Japon ou des États-Unis, ils n’ont pas envie de perdre une demi-journée. » D’où le travail en trois-huit et la présence sur place d’équipes de techniciens et chercheurs avec qui les utilisateurs peu vent interagir quasiment en permanence.
Accès gratuit à condition de publier ses résultats
Julien Rault distingue deux types d’utilisateurs : « Il y a ceux qui fonctionnent “à la cool” et ceux qui travaillent non-stop sur le créneau qui leur est imparti. » Tels ces deux étudiants en thèse de l’université de Princeton, dans le New Jersey (États-Unis) : « Ils s’occupent de façon autonome de toutes les expériences. L’un deux m’a confié qu’il avait une chambre en résidence étudiante à Princeton mais qu’il n’y était jamais. Il passe sa vie dans les synchrotrons et en conférences. »
À Soleil, 99 % des utilisateurs profitent gratuitement des installations. La seule contrepartie qui leur est demandée est la publication des résultats de leurs recherches. Le 1 % restant est le fait de quelques entreprises privées qui acceptent de payer la location du faisceau, sans sélection ni obligation de publication.
Pour gérer et financer de telles infrastructures, les institutions ont créé des structures administratives ad hoc. Le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) se sont ainsi associés dans une société civile dotée d’un budget annuel de 60 millions d’euros pour donner naissance à Soleil. Et du côté de l’ESRF, la société civile française gérant le synchrotron est financée à hauteur de 135 millions d’euros par vingt-deux pays dont la France, l’Allemagne et l’Italie, mais aussi la Russie, Israël, l’Inde et l’Afrique du Sud. Cette façon de travailler en sciences est peu courante, mais elle se retrouve autour de quelques autres grands instruments – les observatoires astronomiques, par exemple. Pour Benjamin Abécassis, physico-chi miste au CNRS et à l’École normale supérieure de Lyon, et utilisateur régulier des synchrotrons en vue d’étudier la formation des nanoparticules, « la science va de plus en plus vers ce qu’on appelle la Big Science [mégascience, en français], avec des équipements qui coûtent très cher, financés par des États ou de grands organismes internationaux, pour faire des expériences très poussées sur des choses très précises ».
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Pige pour le n°2 de l’hebdomadaire Vraiment
References
↑1 | Laboratoire pour l’utilisation du rayonnement électromagnétique |
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↑2 | Dans le pdf original une erreur s’est glissée sur le fonctionnement du synchrotron. On y lisait : Projetés par un accélérateur linéaire, ceux-ci sont introduits dans un premier anneau appelé « booster » où ils effectuent plusieurs centaines de milliers de tours, accélérés par des aimants disposés tout au long du tube. Chaque accélération produit un faisceau de lumière, appelé rayonnement synchrotron, qui est ensuite dirigé vers l’anneau destockage puis vers des tubes métalliques rectilignes. |
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